Lorsqu’on fabrique des couteaux et d’autres objets constitués de divers matériaux et assemblages, on peut souvent faire avec les moyens du bord, pour commencer. Si on persèvère, la difficulté consiste (à mon avis) à choisir ce qui doit rester manuel et ce qui mérite un investissement, une machine avec un moteur, par exemple.

Attention, je ne dis pas que les outils manuels sont toujours bon marché ! Ce joli rabot canadien pourra en témoigner.

Dans tous les cas, je conseillerais :

  • de préférer, s’il faut choisir, un bon outil manuel à une machine pas chère.
  • de ne pas anticiper ses besoins, de faire à la main jusqu’à qu’il devienne évident qu’une machine vous changerait la vie. Surtout si la place ou le budget vous manque.
  • d’attendre d’avoir le budget pour une machine “sérieuse”. Il existe toujours au moins deux gammes, et autant dire qu’avec une machine bas de gamme on a souvent des regrets. Il n’y a pas de secret, dans ce domaine “petit prix” rime généralement avec concessions techniques et/ou mauvaise conception.

Il n’est pas simple de trouver des références d’outils honnêtes et pas sponsorisés, voici donc -sans prétention !- ce qui compose mon atelier.

Scie à ruban

Voici un outil qui change la vie quand on utilise du bois du jardin (ou d’ailleurs) qu’on veut transformer en blocs puis éventuellement en plaquettes pour les manches de couteau.

Plus elle est chère et robuste, plus vous pourrez découper de fortes épaisseurs. Il est toujours possible de préparer son bois à la hache avant de le scier, même si on perd généralement de la matière.

Pour ma part j’ai choisi une scie à ruban anglaise de dimension modeste (120 mm de hauteur maximum), que je qualifierais de “début de moyenne gamme” : Scie à ruban d’établi BS 250 EP RECORD (commandée chez Bordet).

Dégauchisseuse

Voilà un outil extrêment utile pour le menuisier, car il permet d’obtenir une face plane (“dégauchie”) de référence sur une planche ou un bloc de bois. Pour obtenir une planche bien droite, on l’associe généralement à la raboteuse, qui s’appuie sur la face de référence et réduit la face opposée pour arriver à l’épaisseur voulue.

Ce n’est pas pour fabriquer des meubles que j’en ai fait l’acquisition, mais pour créer une face de référence sur les morceaux de bois que je débite à partir de vrais arbres ! J’utilise ensuite la scie à ruban (avec un guide latéral) pour obtenir un bloc à peu près régulier, une bonne base pour découper des plaquettes pour mes couteaux.

J’ai choisi un modèle miniature de chez Proxxon, un fournisseur bien connu d’outils de qualité pour fabriquer des maquettes. Elle prend peu de place, accepte des blocs de 7 cm de largeur maximum, fait un bruit d’enfer, coûte assez cher. Mais elle est difficilement remplaçable, et m’évite d’acheter des blocs calibrés qui coûtent eux-mêmes assez cher. Et quel plaisir de fabriquer des manches avec du pommier du jardin !

C’est la Proxxon AH80 (environ 350€).

Le rabot d’épaisseur DH40 de la même marque est vraiment hors de prix, rare en occasion, et je m’en passe aisément.

Scie à chantourner

C’est un peu la version “de précision” de la scie à ruban, bien utile notamment pour découper la forme des plaquettes.

Là aussi c’est du Proxxon, la DSH, achetée d’occasion environ 100€ (son prix neuf pique un peu). Vraiment de la bonne qualité, efficace même avec quelques années au compteur. J’ai longtemps hésité avec le modèle d’entrée de gamme DS230/E, mais cette dernière m’a semblé vraiment réservée au “petit” chantournage occasionnel.

Meuleuse d’angle

Je l’utilise pour découper grossièrement des formes dans l’acier (lames, platines, ressort) avec un disque à tronçonner. Un vieux modèle Bosch. C’est dangereux, fait un bruit d’enfer, envoie de la limaille incandescente partout, vibre énormément, brûle parfois l’acier… C’est pourquoi je privilégie depuis peu la bonne vieille scie à métaux, sauf pour les fortes épaisseurs.

Scie à métaux

C’est un outil manuel bien pratique, efficace quand on a pris le coup. Le bruit est pénible (casque antibruit bienvenu). Pour éviter de se blesser et couper vite, je me suis procuré une version robuste de chez Facom.

Je coupe de l’acier jusqu’à 2,5cm d’épaisseur environ, au delà ça me semble un peu pénible.

Backstand (ponceuse) de coutelier

On arrive là sur un incontournable dans la fabrication de couteaux, quand on dépasse le stade des essais ou du hobby occasionnel. Le backstand est une ponceuse stationnaire à bandes abrasives, qui existe en différenets tailles (et prix).

Soyons clairs : on peut tout à fait réaliser un joli couteau à la lime et au papier abrasif de carrossier. Mais si on veut en produire une certaine quantité, faire des tests successifs, améliorer un peu sa productivité sans se décourager, c’est vraiment une chouette machine.

Pour en savoir plus, voyez par exemple le blog d’Eurotechni.

Pour ma part, n’ayant pas un budget illimité, j’ai choisi un modèle à bandes 50x1220 de chez Beltgrinders, simple mais robuste. Frais de port costauds, mais le rapport qualité/prix est vraiment intéressant. Il faut tout de même compter 500€ pour la machine, avec en option un régulateur de vitesse (plutôt utile) pour 250€. J’en suis très satisfait, c’est la machine que j’utilise le plus : pour détourer, poncer et polir le métal, façonner le bois et les matériaux composites à l’occasion. Prévoyez un masque efficace et une visière ou des lunettes de protection.

Je lui ai fabriqué un carter partiel en zinc, pour limiter la dispersion des poussières, et j’utilise un bac “gastro” en inox pour les collecter, facile à trouver d’occasion sur LBC.

Notez qu’il est déconseillé d’aspirer la limaille en direct, cela pourrait mettre le feu à votre aspirateur. Avec un effet retard, le cas échéant, ce qui est encore moins recommandé.

Les bandes

J’en reparlerai ailleurs, mais elles sont de différentes sortes, par exemple :

  • des abrasives pour détourer, poncer
  • des “scotch brite” pour nettoyer, décalaminer, révéler les défauts
  • des bandes servant de support pour des pâtes à polir

Four de trempe

Vous trouverez moult tutoriels pour réaliser la trempe de l’acier carbone, souvent à base de briques réfractaires et de chalumeau. C’est faisable, mais assez aléatoire. Personnellement, j’ai trouvé ça frustrant. Vous serez peut-être plus patient·e !

C’est cher, un four de trempe : minimum 800€, bien plus pour un modèle de grande taille, ou haut de gamme. Je précise qu’il est possible de diviser la facture par deux au moins en le bricolant vous même. Personnellement je me disperse déjà suffisamment, et je n’aime pas l’idée de bidouiller des résistances chauffantes, alors j’ai “investi”.

J’ai profité de la commande du backstand pour ajouter un four de trempe : un modèle “Mini Hell” qui peut accueillir une lame de 33cm au maximum, avec un thermostat standard.

Il fait très bien le job pour l’acier carbone comme pour l’inox. Je l’utilise également pour émailler du métal, tant qu’à faire, en coutellerie ou en bijouterie.

Limes

Les limes sont incontournables en coutellerie. Pour réaliser l’émouture, façonner des formes complexes, dégrossir avant ponçage pour supprimer les gros défauts. En version “aiguilles” elles sont aussi très utiles pour l’ajustage des mécanismes de fermeture des pliants, pour pratiquer le guillochage (gravure de motifs en creux sur les pièces métalliques).

Perçeuse à colonne

J’ai un modèle chinois bas de gamme à moins de 100€ (Fartools), dont je ne ferai pas la pub : c’est à peine mieux que rien. Elle a beaucoup de jeu, ce qui pose de nombreux problèmes en coutellerie. Franchement, ce n’est pas le tarif d’une bonne perceuse.

Je pense qu’il faut viser 400-500€ minimum en neuf. En occasion et dans la même gamme de prix, il semble que les vieilles perceuses pros/industrielles de type Syderic, Precis, etc. soient un très bon choix. Il faut par contre avoir l’installation électrique ad hoc.

Affûteuse à eau

J’ai une Scheppach Tiger 3000VS, à vitesse réglable, donc. Ça ne vaut certainement pas une Tormek, mais pour former les tranchants, réparer et affûter grossièrement toutes sortes d’objets coupants, ça fait le job. Les accessoires Tormek sont compatibles, et certains sont indispensables (pour les gouges, par exemple).

Pour aiguiser précisément, il faut de bonnes pierres (cf. point suivant).

Pierre à aiguiser

J’ai récemment fait l’acquisition d’une pierre japonaise Naniwa Chocera Pro Stone, P310, grain 1000. Ces pierres à eau sont coûteuses mais elles doivent durer un sacré paquet d’années, et la qualité est excellente.

Le grain 1000 est adapté si la lame n’est pas ébréchée ou très abîmée, et le résultat est directement utilisable dans la plupart des cas. Pour des couteaux très tranchants, pour la cuisine par exemple, il faudrait idéalement une autre pierre en 5000, 6000… Mais là il faut casser sa tirelire !